au château de Ferney 18e octobre 1770
Monsieur,
Le nommé Sandoz genevois, monteur de boëtes, étant venu travailler de son métier dans le château de Ferney pendant six mois, y a volé pour environ six cent francs d’or, qu’il a vendu en plusieurs fois au nommé Prevot, orphêvre à Genêve.
C’est orphêvre lui a toujours donné par denier d’or deux florins et demi de moins que cet or ne valait. Ainsi il a partagé le vol, et il en a été convaincu par Guillaume Resseguere, natif de vôtre ville, qui demeure rue du Temple.
Je demande justice au nom des Français qui ont été volés par le nommé Sandoz et par le nommé Prévot, receleur. Je ne doute pas, Monsieur, que vous ne la fassiez selon vôtre respectable usage.
L’orphêvre Prevôt ne devait pas sans doute acheter d’un ouvrier, de la limaille et des rognures d’or qu’il voiait évidemment avoir été volées. Le prix qu’il en a donné au dessous de la valeur est une preuve du délit. Les magistrats ont trop d’équité, et aiment trop l’honneur de la République pour souffrir de telles prévarications.
J’envoie copie de cette Lettre à Monsieur le Duc De Choiseul que j’espère avoir bientôt l’honneur d’informer de la considération que vous continuez toujours d’avoir pour les sujets du Roi, et de l’obligation qu’ils vous auront dans cette affaire.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois
Monsieur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire