le 15 février 1765
M.,
La personne à qui vous avez prêté trois volumes, ne peut les rendre que dans quelques semaines aux personnes que vous avez indiquées.
Elle vous envoie le mémoire ci-joint qui est assez important. Vous êtes prié très instamment d'en accuser la réception. Vous sentez bien pourquoi ce mémoire ne doit être confié qu'à peu de personnes. On s'en remet à votre prudence. Tous ceux qui demeurent dans le château vous assurent de leurs très humbles obéissances.
P. S. Nous faisons encore la garde toutes les nuits.
Le 27 janvier 1765, les srs Galline et Bacle, citoyens de Genêve, donnèrent avis au bailli de Nyon en Suisse, près de Gex, qu'une troupe de voleurs devaient le lendemain piller un château en France. Ils donnèrent le signalement de deux chefs de brigands et promirent de les livrer à la justice soit en Suisse soit en France.
Le bailli de Nyon communiqua cet avis à tous les juges des environs. Les possesseurs des châteaux mirent leurs vassaux sous les armes pendant huit jours. La maréchaussée et les employés patrouillèrent exactement.
Les deux Genevois Galline et Bacle firent le même rapport au maire de la petite ville de Gex, ce qui augmenta les alarmes.
Pendant ce temps là, quarante contrebandiers à cheval passèrent par le territoire de Genêve, traversèrent tranquillement le Rhone au bac de Peney, et les deux Genevois ne revinrent plus dans le pays.
Le garde magasin de la douane de Genêve avoue que depuis trois mois les contrebandiers qu'on appelle camelotiers, ont chargé dans Genêve plus de quatre cents ballots de marchandises. Ils en prennent par année environ douze cents.
Nous n'avons eu depuis les premiers jours de février que des nouvelles vagues et incertaines.
Le 10 février deux inconnus sont venus rôder autour du château, on les a chassés, on aurait dû les arrêter.
La nuit du 12 au 13 février un nommé Matringe, natif de Savoye, est venu à onze heures à une noce de village. Il a dit ensuite à un maréchal ferrant qu'il connaît, ‘Quand vous entendrez des coups de fusil ne sortez point, je serai avec quatre-vingt hommes, j'ai sous moi cinq fusilliers, nous ferons de bons coups’.
Le maréchal est venu déposer chez moi quoiqu'un peu tard. J'ai envoyé chercher la maréchaussée de Gex, elle a arrêté le nommé Matringe lorsqu'il voulait partir de Ferney pour Genêve, j'ai fait tenir à Gex sa déposition.
J'ai appris depuis que ce Matringe est un des plus forts contrebandiers. On peut par son moyen découvrir sa troupe, mais il est fort à craindre qu'elle ne vienne ravager le pays.
C'est à la prudence de messieurs les fermiers généraux chargés du détail de cette province à voir ce que l'on peut faire.
Il est très certain que toute la contrebande se fait par Genève, et que les employés ne peuvent l'empêcher. Il n'y a qu'un régiment qui puisse en imposer à ces vagabonds devenus de jour en jour plus dangereux. Il est à croire que messieurs les ministres de la guerre et des finances se concerteront pour prévenir les suites de ce brigandage.
13fer [1765] le 15 au soir, partira