à Paris ce 11 août [1770]
Je ne pus, mon cher maitre, vous envoyer par le dernier courier copie de ma lettre au Roi de Prusse et de sa réponse.
Je vous envoie l'une et l'autre par celui-ci. Personne au monde n'a copie de ces deux lettres que vous, très peu de personnes même connoissent la mienne, mais je ferai lire celle du Roi de Prusse à tout ce que je rencontrerai. Cependant je serois très fâché que cette lettre fût imprimée, le Roi en seroit peutêtre mécontent, et en vérité il se conduit trop dignement et trop noblement en cette occasion pour lui donner sujet de se plaindre. J'espère donc, mon cher et illustre ami, que vous vous contenterez de faire part de cette lettre à ceux qui désireront de la voir, sans souffrir qu'elle sorte de vos mains. Je serois infiniment affligé si elle paroissoit sans le consentement du Roi, et vous m'aimez trop pour vouloir me faire tant de mal. J'espère aussi que vous ne manquerez pas d'écrire au Roi de Prusse, son procédé me paroît digne de votre reconnoissance, de la mienne, et de celle de tous les gens de lettres.
Adieu, mon cher et ancien ami. Je regarde comme un des plus heureux événemens de ma vie le bonheur que j'ai eu de réussir dans cette négotiation.
J'espère vous embrasser avant la fin de septembre et vous dire encore une fois avant que de mourir combien je vous aime, je vous admire, et je vous révère.