A Paris le 4 9bre 1755
Quand je vis, Monsieur, paroître dans le Mercure sous le nom de M. de Voltaire, la Lettre que j'avois receue de lui, je supposai que vous aviez obtenu pour cela son consentement; et comme il avoit bien voulu me demander le mien pour la faire imprimer je n'avois qu'à me loüer de son procédé, sans avoir à me plaindre du vôtre.
Mais que puis-je penser du galimathias que vous avez inséré dans le Mercure suivant sous le titre de ma réponse? Si vous me dites que vôtre copie étoit incorrecte, je demanderai qui vous forçoit d'employer une Lettre visiblement incorrecte, qui n'est remarquable que par son absurdité? Vous abstenir d'insérer dans vôtre Ouvrage des Ecrits ridicules, est un égard que vous devez, sinon aux Auteurs, du moins au public.
Si vous avez cru, Monsieur, que je consentirois à la publication de cette Lettre, pourquoi ne pas me communiquer vôtre copie pour la revoir? Si vous ne l'avez pas cru, pourquoi l'imprimer sous mon nom? S'il est peu convenable d'imprimer les Lettres d'autrui sans l'aveu des Auteurs, il l'est beaucoup moins de les leur attribuer sans être sur qu'ils les avouent, ou même qu'elles soient d'eux, et bien moins encore lorsqu'il est à croire qu'ils ne les ont pas écrites telles qu'on les a.Le Libraire de M. de Voltaire qui avoit à cet égard plus de droit que personne, a mieux aimé s'abstenir d'imprimer la mienne que de l'imprimer sans mon consentement, qu'il avoit eu l'honnêteté de me demander. Il me semble qu'un homme aussi justement estimé que vous ne devroit pas recevoir d'un Libraire des leçons de procédés. J'ai d'autant plus, Monsieur à me plaindre du vôtre en cette occasion, que, dans le même volume où vous avez mis, sous mon nom, un Ecrit aussi mutilé, vous craignez avec raison d'imputer à M. de Voltaire des vers qui ne soient pas de lui. Si un tel égard n'étoit dû qu'à la considération, je me garderois d'y prétendre; mais il est un acte de justice, et vous la devez à tout le monde.
Comme il est bien plus naturel de m'attribuer une sote Lettre qu'à vous un procédé peu régulier, et que par conséquent je resterois chargé du tort de cette affaire, si je négligeois de m'en justifier; je vous supplie de vouloir bien insérer ce désaveu dans le prochain Mercure, et d'agréer, Monsieur, mon respect et mes salutations.