Monsieur,
Si nous devons avoir quelque chose de cher c'est notre Réputation; à quel point la mienne n'est-elle pas ici attaquée? Vous savés Monsieur avec quelle avidité on receuille ce qui vient des homes célèbres même leur plus petits fragmens: qui sait si les 2 Lettres ne seront pas imprimées? Et je me verrai noirci dans ma Patrie & au dehors sans que j'ose rien dire? mon silence ne sera t-il pas interprété come un aveu de l'indignité qu'on m'attribue? De quel droit Mr De V. voudra t'il me salir & m'opprimer? Mille échos répèteront la voix de l'oppression, & pas un seul ne voudra faire entendre les cris de l'Innocence?
Vous croiés Monsieur qu'avant 6 mois toute cette fumée dissipée la Lumière & la Vérité paroitront d'elles mêmes, je vous serai cependant très obligé Monsieur d'y vouloir contribuer sur tout dans la capitale où mon souverain peut avoir pris de moi de sinistres impressions.
Quant à votre Lettre Monsieur soiés assuré que personne n'en a de copie, je l'ai seulement montrée à quelques amis, de mon voisinage & elle n'est pas sortie de ma main. Je ferai plus Monsieur puis qu'il paroit que cette affaire vous fait de la peine. Je n'en parlerai plus, à moins d'une absolue nécessité; j'ai comencé par retirer du Bureau la lettre que j'addressois aux Edit. du Mercure & l'ai convertie en ce que vous trouverés au dos; je n'avois pt encore écri à mes Patrons à Berne; je supprime deux Lettres que je voulois faire partir aujourd'hui (M. De V. n'a pas jugé à propos de me répondre). C'est là la déférence que je crois devoir à vos conseils & désirs, en cette occasion & en toute autre, je m'empresserai à vous prouver le respectueux dévouement avec le quel j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble & très obéissant serviteur
Le Resche
Chebres ce 24e Mars 1759
Votre lettre Monsieur ne m'est parvenue que dans ce moment.
Si dans la réponse dont vous avés honoré ma 1ère Lett. où je vous demandois la permission d'écrire à V. vous m'eussiés témoigné Monsieur que cela vous déplût, je m'en serois abstenu.