1776-10-15, de François Thomas Germain à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Si l'humanité vous porte, comme tout l'Univers en est témoin, à déplorer le sort des malheureux dont on opprime l'innocence, et à vous intéresser pour eux, j'oserai à ce même titre invoquer avec confiance le secours de vos sages conseils et de votre généreuse protection.
Vous avés donné au Père des marques d'estime et de considération, le Fils dont tout le crime fut l'ambition de marcher sur ses traces, un Citoïen honnête, en un mot, que l'Envie et la Vengeance ont sacrifié, pourrait-il se flater que vous ne le trouverés pas indigne de vos bontés, et que vous daignerés agréer l'offre qu'il prend la respectueuse liberté de vous faire d'un Exemplaire du Mémoire de sa justification présenté à Sa Majesté le 18 Juillet dernier, et renvoïé à Mr De La Billarderie d'Angevillé, pour lui en rendre compte? J'y joins un précis des principaux motifs qu'ont emploïés ceux qui se sont le plus apliqués à me nuire; je me suis abstenu d'en faire le détail au Mémoire, afin d'écarter jusqu'au moindre prétexte de m'en refuser l'impression qui devenait nécessaire pour réparer aux ïeux de toutes l'Europe la mémoire de mes Pères flétrie par la plus injuste condamnation; mais quelques précautions que j'aie prises pour avoir la permission d'imprimer, les efforts puissans de mes adversaires et leurs trames secrètes les ont toujours rendu inutiles; et au mépris de ma persévérance à réclamer un état que je n'aurais jamais dû perdre, on me tient tout accès fermé non seulement auprès du Monarque, mais même auprès de mon Juge; et les cris redoublés de l'Imposture étouffent la voix plaintive de mon innocence. Mais un seul mot de votre bouche, Monsieur, peut confondre mes superbes ennemis, et faire percer et triompher la vérité dont vous ètes le plus digne défenseur. Il n'est rien dans le Mémoire ni dans le précis que je ne sois en état de prouver incontestablement. Daignés, Monsieur, je vous en conjure, m'honorer de cet acte immémorable de bienfaisance; nous vous devrons mes pauvres Enfans et moi notre bonheur. et nous consacrerons nos jours à la reconnaissance.

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect,

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur

Germain Maison de Mr Dapcher Orfèvre rue de la Vanerie proche la Grêve