1757-05-03, de Alexis Piron à Pierre Louis Dumay.

… On vient d'insérer dans le Mercure du mois une lettre de Voltaire à Thiriot qui mériterait une forte répréhension à l'auteur, à Thiriot, à l'éditeur et au censeur. On ne peut rien de plus scandaleux ni de plus impertinent. Voltaire s'y fait dire par toute l'Europe que nous sommes tous des Damiens, et se donne des airs de plaider notre cause d'une façon encore plus injurieuse que l'imputation. Je suis dans une colère épouvantable d'une pareille sottise, et je ne doute pas que le public n'en soit indigné. Le sot et le méchant homme que ce Voltaire! Il n'y a pas plus d'esprit que de décence dans les trois quarts de ce qu'il fait; excepté la paresse, on pourrait dire que les péchés mortels sont ses muses. Impie, superbe, avare, envieux, furieux, avide, etc., tout est marqué à ces jolis coins là. Imaginez vous qu'il finit cette lettre dont je vous parle par un trait pire encore que toute la lettre. Après s'être plaint de ce qu'on lui attribue la Pucelle, il dit: Il faut avouer que depuis quelque temps on a fait à Paris des choses bien horribles avec la plume et le canif, faisant par ce dernier mot, allusion à l'arme dont s'est servi le scélérat de fraîche date. Le bel ensemble que cette arme et la plume de ceux qui lui ont attribué sa Pucelle! Jolie comparaison de deux espèces d'attentats: de la réputation d'un fou comme lui, et de la vie d'un prince tel que le nôtre, et on me dira que c'est là de l'esprit? Effronterie de chien et bêtise d'âne. Bon sang ne saurait mentir; et de tous les Coriolans du monde, voilà le plus détestable et le plus vilain.