Je vous suis très obligé, Monsieur, des ordres que vous avés bien voulû donner au sujet du livres des campagnes mais je ne peux pas m'empêcher d'être douloureusement touché de ce que vous pensés sur les procédés de mr de Voltaire. Il est trop vivement persécuté de tout côté pour être encor accablé par les sujets de plainte que vous pensés avoir de luy. J'ose vous avancer qu'elles ne sont nullement fondées. Il n'a pas le tort le plus léger sur le livre en question et à l'égard de ce libraire de Lausane nommé Grasset je peux vous assurer qu'on vous a mal instruit des circonstances Ce Grasset est un coquin chassé de partout qui a eû l'effronterie de porter à Genève un prétendu manuscript de la pucelle rempli des plus grandes horreurs contre la relligion et qui pis est contre le roy. Vous sentés que mr de Voltaire n'a pû s'empêcher de s'élever contre un libelle aussi scandaleux et qu'on avoit l'audace de luy attribuer. Il a demandé justice de Grasset au tribunal de Geneve. Voilà l'histoire dans la plus exacte vérité. Mr de Voltaire éprouve depuis longtems les plus grandes injustices mais il n'y en a point qui luy fût plus sensible que celle d'être soupçoné par vous de mauvaises démarches. Je sçais combien il partage les sentiments d'estime, d'attachement et de respect avec les quels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
D'Argental