1766-01-16, de Abraham Freudenreich à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous m'étonnez, Monsieur, en m'apprenant qu'on ose vous soupçonner d'avoir contribué à faire sortir le sr Rousseau des terres de LL. EE.
Votre coeur généreux et bienfaisant doit vous mettre au dessus de tout pareil soupçon, je ne conçois donc pas qu'on pousse l'effronterie jusqu'à vous attribuer des sollicitations vis à vis de moi et de monsr le ministre Bertrand.

J'ai conservé toutes les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, je viens de les relire je n'y ai trouvé ni trace ni indication quelconque relative au sr Rousseau ou à son bannissement. Monsr le ministre Bertrand m'a montré toutes vos lettres, il n'y est jamais fait mention de mr Rousseau ni directement ni indirectement, bien plus dans les conversations que j'ai eues avec mr Bertrand il ne m'a jamais témoigné qu'il souhaitât le bannissement du dt sr Rousseau, bien loin de nous avoir sollicité soit par commission soit autrement. Voilà, monsieur, ce que j'ai l'honneur de vous déclarer sur mon honneur. Je suis véritablement affligé qu'on vous tracasse, par des imputations si peu vraisemblables et si contraires à votre caractère et qu'on trouble le précieux loisir dont on devrait vous laisser jouir en paix. C'est du fond de mon coeur que je souhaite que vos jours soient prolongés et qu'ils ne vous offrent que ce qui peut rendre la vie heureuse et remplir tous vos souhaits, c'est avec ces sentiments et le plus respectueux dévouement que j'ai l'honneur d'être

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

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