1751-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

J'ay eu le temps de m'informer madame du fondement des bruits dont vous avez eu la bonté de m'avertir.
J'ay apris que mon secrétaire, qui est une espèce de petit maître berlinois, a eu L'impertinence de se mettre au nombre de ceux qui ont abusé de l'état où l'on prétend qu'était cette comtesse polonaise. Il a souvent soupé chez elle à Berlin et à Potsdam, il s'est fait son chevalier. Pour moy vous pensez bien que je n'ay pas vu cette dame, et il faudrait que je fusse fou pour luy avoir écrit, ou fait écrire, et pour m'être mêlé directement ou indirectement de ses affaires. Mon secrétaire m'a juré qu'il ne luy a écrit que pour luy faire trouver un logement à Potsdam. Effectivement elle y est venue, et le roy a été très surpris de la trouver sur son passage. Il était avec Mr de Rotembourg, il s'en est débarassé au plus vite, et l'a laissée entre les mains de Mr de Rothembourg.

Je n'ay pas plus de part à tout cela que vous ou Mr Darnheim, et je peux vous jurer qu'il n'y a pas la moindre ombre de vérité dans tout ce qu'on a dit.

S'il était vrai que mon secrétaire eût eu l'insolence de luy écrire cette lettre qu'on prétend qui existe, je vous supplierais madame de vouloir bien me faire avoir une copie de cette lettre. En ce cas je chasserais mon secrétaire qui le mériterait bien.

Si j'avais eu un peu de santé j'aurais suivi le roy pour vous faire ma cour et pour vous remercier de vos bontez. Elles me sont aussi chères que Les belles nouvelles de Berlin sont fausses et méprisables. Conservez moy une amitié qui me console de touttes ces sottises et qui me les fait oublier, et comptez sur le plus tendre et le plus respectueux dévouement….