22 février 1768
Mon cher ami, il est très certain que Laharpe m'a fait une infidélité dont les suites peuvent être fort désagréables.
Son épigrame contre Dorat et celle contre Piron qu'il a fait ou laissé courir sous mon nom ne sont pas non plus des procédés d'amis. Nous nous sommes séparés honnêtement. J'ai ordonné à mon banquier de Lyon de leur fournir l'argent nécessaire pour leur voyage.
Je vous demande en grâce de parler à m. D'Alembert. Il convient bien d'avoir donné des copies du manuscrit en question à m. D'Alembert, à m. le Comte de Rochefort et à d'autres; mais il dit qu'il n'en a donné à m. D'Allembert que parce que celui-ci n'en avait qu'une copie très informe. C'est ce qu'il est aisé de savoir. Enfin pour denière ressource il prétend qu'il tient le second chant d'un jeune homme nommé Antoine, sculpteur de son métier. Je vous avoue que j'ai un extrême désir de trouver quelqu'un qui puisse parler à cet Antoine qui comme vous savez demeure rue Hautefeuille, mais surtout que cela reste entre m. Dalembert et vous. Je veux qu'on ignore et les obligations que m'a Laharpe et les tours qu'il m'a joués. Ce sont des imprudences de jeune homme qu'il peut aisément réparer. Je vous le demande en grâce, mon cher ami, que cette malheureuse aventure soit dans le dernier secret.
Votre affaire qui est infiniment plus considérable ne finit donc point? Vous ne savez donc point à quoi on s'en tiendra? Si la place qui vous était promise est supprimée, garderez vous celle que vous avez?
Avez vous reçu un paquet que le sieur Brossier dit vous avoir envoyé? Ah mon cher philosophe, que ne puis je achever mes jours avec vous! Ecr. l'inf.
Voulez vous bien faire mettre simplement à la poste ordinaire cette lettre pour m. de Floriant, et envoyer par la petite poste, celle pour m. d'Hornoi? Voulez vous bien avoir la bonté de les cacheter?