4 mars 1768
Mon très cher ami, je ne sais point ce que vaudra la place dont je vous ai parlé, mais je sais qu'il suffira d'avoir un commis dans la ville et d'y aller de temps en temps.
Vous seriez le maître de mon petit château où vous ne dépenseriez absolument rien. On va à Paris quand on veut pour sept louis et on y est en quatre jours; mais ce beau rêve vous dis je ne se réalisera pas: le malheur me poursuit depuis quelque temps.
Je vous répète qu'il est pour moi de la plus grande importance que l'infidélité de Laharpe soit constatée auprès de madame Denis et de m. Dalembert. Il n'est pas juste que j'aie tort quand j'ai été trahi si cruellement. Cette petite trahison de la Harpe a eu des suites bien funestes pour moi, mais enfin il n'y a rien de noir dans le procédé de Laharpe; j'ai à me plaindre beaucoup de son ingratitude, de son esprit dur et orgueilleux, mais je respecte l'amitié que j'ai eue pour lui. Je l'ai servi, je le servirai. Je veux que son procédé soit ignoré du public, mais il faut absolument que m. D'Alembert lui fasse une correction fraternelle ou plutôt paternelle. Il faut qu'il rougisse de m'avoir manqué et que tout soit oublié. C'est à peu près ce que j'ai écrit à m. Dalembert dans une lettre que Laharpe lui porte lui même.
Je vous demande en grâce, mon cher ami, de parler fortement à ma nièce et à m. d'Alembert; je vous le demande au nom de l'amitié. Jamais plus petite affaire n'a causé de chagrins plus violents. Allez voir ma nièce dès qu'elle sera à Paris. Je suis pénétré de douleur. Que votre amitié me console. Ecr. l'inf.
M. Brossier a reçu tous vos paquets.