1770-04-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis de Laus de Boissy.

Monsieur,

Anacréon chantait et dansait, Platon raisonnait ou déraisonnait dans le beau pays de la Grèce, et moi je suis entouré de 40 lieues de neige, à la fin d'avril, entre les Savoyards et les Suisses; et tant que les neiges sont sur la terre je suis privé de la vue.
Pardonnez moi si dans cet état je ne réponds qu'en prose à vos très jolis vers. Je sens tout leur mérite, mais vous me prenez trop à votre avantage. Ce n'est pas le cas où

Nardi parvus onix eliciet cadum.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . Vejanius armis
Herculis ad postem fixis latet abditus agro.

Vous daignez me chercher dans la solitude où je suis enseveli, pour me récompenser de mes travaux passés. Je ne puis que vous offrir de sincères et d'inutiles remerciements des fleurs que vous jetez sur le bord de mon tombeau. J'ai perdu la voix; mais si elle me revient, ce sera pour vous dire combien je suis sensible aux bontés dont vous m'honorez.

J'ai l'honneur d'être &a.