à Ferney 17e May 1768
Enfin, Monsieur, Je viens de recevoir et de lire les beaux vers dont vous m'honorez; je sais encor assez d'anglais pour sentir tous les charmes de vôtre ouvrage.
Vous ne pouviez mieux me consoler de vôtre absence. Il me semble que vos vers sont assez dans le goût de Thompson, mais je vous trouve fort supérieur à lui par l'aménité que vous répandez sur tout ce que vous écrivez. Vous êtes à présent prèsque le seul qui souteniez en Angleterre l'honneur des muses.
Je ne manquerai pas de vous envoier sans délai la collection très mal imprimée qui ne mérite pas la place que vous voulez lui donner dans vôtre bibliothèque
mais mon cadus ne vaut pas vôtre nardus.
Je suis honteux d'avoir fait tant de vers, et Dieu merci, je suis dans un âge où l'on renonce aux passions dangereuses.
mais moins je fais de vers français, plus j'aime vos vers anglais.
Croiez que je suis aussi très sensible à certaines beautés naturelles et fortes de Shakespear. Si ses Tragédies ne sont pas de nôtre goût il y a des détails qui me charment. Il en est ainsi de Lopez de Vega en Espagne. S'il y avait plus de chaleur et d'intérêt dans le Caton d'Adisson, cette pièce serait à mon gré la première de l'Europe.
Adieu mon très cher confrère, recevez avec bonté les tendres embrassements d'un vieux solitaire malade.
V…