1765-01-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques François Paul Aldonce de Sade.

Le second volume m'est arrivé, monsieur, je vous en remercie de tout mon cœur; mais m. Fréron vous doit encore plus de remerciements que moi. Il doit être bien glorieux; vous l'avez cité et c'est assurément la première fois de sa vie qu'on l'a cru sur sa parole. Mais comme je suis plus instruit que lui de ce qui me regarde, je peux vous assurer que je n'ai pas seulement lu cet extrait de Petrarque dont vous me parlez. Il faut que ce Freron soit un bien bon chrétien puisqu'il a tant de crédit en terres papales. Vous m'avez traité comme un excommunié. Si la seconde édition de l'histoire générale était tombée entre vos mains vous auriez vu mes remords et ma pénitence d'avoir pris la rime quaternaire pour des vers blancs. Ces rimes de quatre en quatre n'avaient pas d'abord frappé mon oreille, qui n'est point accoutumée à cette espèce d'harmonie. Je prends d'ailleurs actuellement peu d'intérêt en vers soit anciens soit modernes. Je suis vieux, faible, malade.

Nunc itaque et versus et cætera ludicra pono.

Je n'en dis pas de même de votre amitié, et de l'envie de vous voir, ce sont deux choses pour lesquelles je me sens toute la vivacité de la jeunesse.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, du meilleur de mon cœur et sans cérémonie, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire