1769-12-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Giovanni Marenzi.

Monsieur,

J'ai soixante et seize ans, je suis très malade, j'ai été sur le point de mourir; ainsi vous aurez la bonté de m'excuser si je ne vous ai pas remercié plus tôt. Vous nous avez ressuscités Zaïre et moi: vous faites des vers italiens comme j'en voudrais faire de français, si j'avais encore la force de m'amuser à ce charmant badinage: mais l'état où je suis, ne me permet tout au plus que de vous remercier en prose du fond de mon cœur. J'ai toujours vainement désiré de voir l'Italie; on ne peut avoir une passion plus malheureuse; vous augmentez, monsieur, cette passion, et mes regrets. Autrefois mes compatriotes faisaient un pèlerinage à notre dame de Lorette, j'en ferais un au tombeau de messer Ariosto, si je n'étais pas trop près du mien: mais je viendrais surtout voir celui qui m'a bien voulu embellir.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois,

monsieur,

votre très humble et très obéïssant serviteur
Voltaire