1769-11-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Je n'ai pu encor, Monseigneur, avoir les souvenirs; mais j'ai l'honneur de vous envoier un petit ouvrage qui ne doit pas vous déplaire, car après tout vous avez servi sous Louis 14; vous avez été blessé au siège de Fribourg.
Il me semble qu'il vous aimait. La manie qu'on a aujourd'hui de le dénigrer me parait bien étrange. Rien assurément ne me flatterait plus que de voir mes sentiments d'accord avec les vôtres.

On me mande que les Scythes viennent d'être représentés dans vôtre roiaume de Bordeaux avec un très grand succez. Quelque peu de cas que je fasse de ces bagatelles, je vous suplie toujours de vouloir bien ordonner que les Comédiens de Paris me rendent la justice qu'ils me doivent, car en éffet du tems de Louis 14, ils ne manquaient point ainsi aux loix que les premirs gentilhommes de la chambre leur avaient données. Il est si désagréable d'être maltraitté par eux que vous me pardonnerez des instances réitérées. Je vous demande cette grâce au nom de mon ancien attachement et de vos bontés.

Agréez, Monseigneur, mon très tendre respect.

V.