30e 8bre 1774
Je viens de recevoir, Monseigneur, deux éxemplaires imprimés des mémoires sur le provisoire.
Je suis bien sûr que vous n'y répondrez pas, puisque les avocats auteurs de ces mémoires y ont répondu eux mêmes, et ont constaté le crime qu'ils veulent excuser.
Je retrouve dans le mémoire pour le major cette même Lettre qu'on m'avait envoiée il y a deux mois en manuscrit, Je vous envoie, ma chère cousine, vôtre billet signé, et deux, avec l'un vous paierez vos dettes etca.
Je ne savais pas que cette Lettre est aussi fausse que les billets de quatre cent vingt cinq mille livres, et j'avais pensé d'abord qu'aiant eu la bonté de donner quatre à cinq mille Livres, on avait abusé de cette bonté jusqu'au point de porter cette somme jusqu'à celle de 425000, par une falsification assez aisée et très punissable. Je vois très clairement que le crime est beaucoup plus grand et plus prémédité que je ne croiais.
Cette désagréable affaire est étonnante dans tous ses points. Une femme de cette qualité, une petite fille de Made de Sevigné, une parente de feue Madame la Duchesse de Richelieu, un ancien officier Major du régiment Dauphin, un abbé d'une maison illustre, tout cela n'a point d'éxemple, et ce qui est plus étrange encor c'est la bizarerie de certaines gens qui affectent de douter lorsque tout est démontré.
J'ai peur que les délais des procédures et les vérifications nécessaires ne prennent beaucoup de temps; mais ces formes de la justice ne prendront point sur vôtre repos; car au bout du compte, de quoi s'agit-il? Ce sont des voleurs prix en flagrant délit; les loix les puniront sans que vous vous en mêliez d'avantage. Il ne vous en coûtera d'autre peine que de donner vos ordres, et peut être de soliciter leur grâce quand ils seront condamnés.
Je vous demande pardon de vous avoir importuné par mes Lettres sur l'affaire de mes pauvres horlogers Ceret et Dufour. Je vous demanderai en grâce, lorsque vous aurez quelque loisir, de vouloir bien me faire savoir ce que vous aurez ordonné sur cette bagatelle qui est entièrement de vôtre jurisdiction, et non de celle du ministre des affaires étrangères.
Je souhaitte à mon héros une santé aussi ferme que son âme doit l'être dans le malheur qu'elle a eu de perdre un Roi témoin de ses grands services. Règnez longtemps dans le beau païs du prince noir. Puissai-je ne point mourir sans avoir eu la consolation de venir vous faire ma cour quelques moments dans vôtre roiaume!
Conservez vos bontés pour vôtre plus ancien serviteur qui vit encor.
V.