1760-05-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François Joly de Fleury.

Monsieur,

Je suis encor obligé de vous importuner pour vous dire que je ne reçois que dans ce moment la copie de la lettreà vous écritte par mr de Courteilles le 26 mars.

Je trouve qu'il s'est glissé une petite méprise dans cette lettre. Il est dit que le seigneur de Tourney observe que le délit a été commis au lieu de la Perriere qui relève bien de sa terre, mais où il n'est point haut justicier. Il faut que cette méprise vienne de mon avocat au conseil. Il est de notoriété publique que je ne suis point seigneur de la Perriere. J'espère que cette petite inadvertance de mon avocat au conseil ne me nuira pas.

Le chapitre de st Victor au quel la seigneurie de Geneve succèda affectait la souveraineté absolue sur tous ses fiefs, et ne relevait de personne du temps que le pays de Gex apartenait aux ducs de Savoye. Aussi lorsque les auteurs de mr de Brosse achetèrent la jurisdiction de Tourney, sous les ducs de Savoye, il ne fut fait nulle mention de la Perriere qui ne dépendait pas des ducs de Savoye. Tout droit sur la Perriere comme sur les autres fiefs de st Victor a été cédé au Roy, en 1749, et non au seigneur de Tourney. J'ay eu l'honneur Monsieur de vous en administrer les preuves que j'ay pu avoir.

Le certificat en forme de la république ne peut être délivré que sur un ordre de vous, supposé qu'il en soit besoin. Si vous m'honorez de cet ordre, je requererai de votre part la délivrance des actes qu'on ne peut donner à un particulier. Mais en attendant, Monsieur, permettez moy d'observer que si jamais les juges de Tournei avaient fait à la Perriere quelque acte de jurisdiction, quelque descente, quelque procédure (ce que je ne crois pas) ces actes seraient nuls de plein droit, soit avant soit après 1749.

Je suis avec baucoup de Respect

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire