1761-02-11, de Dominique Jacques Barberie, marquis de Courteille à Jean François Dufour de Villeneuve.

Monsieur,

Mr de Voltaire s'estant plaint que les officiers du Baillage de Gex voulloient l'obliger à payer les frais d'un procès criminel par eux instruit contre le nommé Panchaud suisse de nation, demeurant près de Tourney, Lequel en poursuivant un particulier qui venoit de lui voler ses noix luy donna un coup de sabre sur le bras, dans un lieu nommé La Perriere, où M. de Voltaire n'a pas droit de haute justice, j'Ecrivis le 26 mars de L'année dernière à M. Joly de Fleury, et je le priay de vouloir bien se faire informer des circonstances de cette affaire, et de me faire part de ce qu'il apprendroit, en lui marquant qu'il étoit cependant nécéssaire avant toute chose d'Engager les officiers du Baillage de Gex à faire surseoir par leur greffier à toutes poursuites jusqu'à nouvel ordre.
Par une lettre que m'écrivit en réponse Mr de Fleury le 4 may suivant, il observa que les Officiers de ce baillage prétendoient que M. de Voltaire comme seigneur de Tourney, avoit la haute justice du Lieu, où le délit s'étoit commis, et ils en aportoient pour preuve la Condamnation par eux prononcée contre le Coupable d'une amende de 300lt envers le seigneur de Tourney. Mais M. De Voltaire ayant découvert que la haute justice appartenoit au Roy dans le lieu de La Perriere, Il s'est de nouveau pourveu, pour obtenir la décharge des frais du procès en question, et a remis à cet éffet plusieurs pièces que j'ai envoyé le 6 aoust dernier à Mr de Fleury; Par sa lettre du 10 Novembre suivant il m'a non seulemt renvoyé ces pièces, mais il y en a joint plusieurs autres qu'il s'étoit procuré, afin de constater à qui appartient la justice dans l'Endroit en question, Et il convient positivement, que c'est le Roy, d'oû il conclut que les frais du procès de Panchaud sont à la charge de sa majesté, ajoûtant cependant que comme la sentence rendüe contre ce particulier, le condamne à une amende envers la seigneurie de Tourney, cela pourroit un jour servir à ceux qui possèderont cette terre pour prétendre dans un cas utile que la haute justice de la Perriere leur appartient, et attendû qu'on ne peut annéantir ny cette sentence ny l'arrêt confirmatif du Parlement de Dijon, Mr de Fleury Estimoit qu'il falloit engager M. de Voltaire à présenter une requête au Conel tendante à obtenir la décharge des frais dont il s'agit, en se départant de L'amende prononcée à son profit, et reconnoissant qu'il n'a aucun droit de justice sur le Terrain en question: Et attendû que M. De Voltaire n'est possesseur qu'à vie de la Terre de Tourney, M. de Fleury estimoit qu'il falloit aussi que M. de Brosses président au parlemt de Bourgogne qui est le vrai p͞priétaire signât la requête; aumoyen de quoi Il interviendroit un arrêt qui leur donneroit acte de leur déclaration et reconnoissance, en vertû duquel arrêt le receveur général des domaines ou le Fermier général feroient les dilligences convenables pour receüillir l'amende au profit de sa Majesté, et au moyen de quoi, en tout tems l'on seroit en état d'opposer cet arrest aux prétentions qui pourroient être formées sur la justice de la Perriere. J'ai fait part de ces dernières dispoo͞ns à M. De Voltaire le 30 novembre der et par sa lettre du 10 xbre suivant, il m'a addressé une requête contenant son désistement formel de l'amende, il me prévient qu'il en a envoyé un double à M. de Fleury, en le priant de vouloir bien le faire présenter à m. Le président de Brosses pour le signer. Je vous prie de vous faire représenter tout ce qui peut estre resté dans les Bureaux de l'intendance, concernant cette affaire et particulièrement le double de la dernière requête qui doit être signée par M. De Brosses et que je vous suplie de m'Envoyer si elle est en état, afin que je puisse proposer à M. le Contrôleur général de signer l'arrêt nécessaire pour terminer cette affaire définitivement, je crois qu'il faut attendre que ce préalable soit remply pour pouvoir faire payer sur le Domaine les frais du procès de Panchaud. Je suis avec respect,

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

de Courteille