1768-03-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à David Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches.

Le vieux solitaire de Ferney, remercie bien tendrement monsieur Le Baron De Rebecq d'Hermenche, Monsieur le major qui mériterait d'être major général d'une armée.
Il a eu la bonté de se prêter avec sa courtoisie ordinaire à la rédemption d'un captif, frère de mon ami Wagniere. Vôtre charmant colonel général vient d'accorder le congé qu'on demandait, et il a mis dans cette grâce toutes celles qui sont dans son caractère.

Savez vous bien, mon cher Major, que je pourais bien venir voir manœuvrer votre Régiment quand les arbres auront des feuilles? A la manière dont vous vous y prenez ce régiment sera celui des frères bleus comme Cromwell avait dressé celui des frères rouges, mais il y aura cette différence que Cromwell formait des fanatiques et vous de très honnêtes gens.

Made Denis est allée à Paris avec ma fille adoptive Corneille Dupuits pour arranger un peu nos affaires que des soupers de deux cent convives, des bals, des comédies avaient extrèmement dérangées. De mon côté je pourai bien aller rendre mes profonds respects à la chambre des finances de Mgr le Duc De Virtemberg peu philosophe, frère de Mgr le Duc De Virtemberg grand philosophe.

Je vous suplie, mon brave major de vouloir bien me mettre aux pieds de Mr Le maréchal De L'Orge. Je ne sais pas s'il est philosophe, mais je sais qu'il m'accorde sa protection dont j'aurai peutêtre besoin auprès de Mr Goll, président (si je ne me trompe) de la chambre de Montbelliard. Sur ce, je vous renouvelle les protestations de l'amitié la plus vraie que je conserverai pour vous jusqu'à mon dernier soufle.

Le vieux Suisse V.