12e juillet 1769
Mon petit magistrat m'a enfin renvoié son œuvre dramatique; je vous la dépêche, mon ancien ami.
C'est actuellement la mode de faire imprimer les pièces de Théâtre sans les donner aux comédiens; mais de tous ces drames il n'y a que l'Ecossaise qu'on ait joué.
Pouriez vous, mon cher ami, me faire avoir les mélanges historiques relatifs à l'histoire de France? ouvrage qui a brouillé le parlement avec la chambre des comptes?
La liste des livres nouveaux devient immense; celle des livres qu'on m'attribue n'est pas petite; il y a une histoire du parlement qui fait beaucoup de bruit; je viens de la lire. Il y a quelques anecdotes assez curieuses qui ne peuvent être tirées que du greffe du parlement même; il n'y a certainement qu'un homme du métier qui puisse être auteur de cet ouvrage. Il faut être enragé pour le mettre sur mon compte. Il est bien sûr que depuis vingt ans que je suis absent de Paris je n'ai pas fouillé dans les régistres de la cour. Scribendi non est finis. La multitude des livres éffraie; mais après tout on en use avec eux comme avec les hommes, on choisit dans la foule.
J'ai reçu la pieté filiale; l'auteur me l'a envoiée, je vais la lire. C'est encor une de ces pièces qu'on ne jouera pas si j'en crois la préface que j'ai parcourue. Il en poura bien arriver autant à nôtre petit magistrat de province. J'aprends d'ailleurs qu'on ne joue plus à Paris que des opéra comiques.
Je suis si malade qu'il ne me vient pas même dans la tête de regretter les plaisirs de vôtre ville. Quand on souffre, on ne regrette que la santé et quelques amis qui pouraient aporter un peu de consolation. Je vous mets au premier rang, et je vous embrasse de tout mon cœur.