à Paris 15 juillet [1768]
Monsieur,
Je n'ai pas oublié que c'est environ vers ce temps ci que vous devés rendre une visite a nôtre grande ville de Paris que vous trouverés encore aggrandie.
Personne ne compte tirer plus de profit de vôtre voyage que moi et je me flatte que vous voudrés bien me témoigner ici les mêmes bontés que vous aviés pour moi dans vos états de Genève. Pour commencer je vous prierai de vouloir bien remettre ce petit billet à mr Rieu. C'est pour le faire souvenir qu'il a eu la complaisance de me promettre la suite du théâtre français. Vous m'obligeriés beaucoup si vous vouliés vous charger des volumes qu'il voudra bien vous remettre.
Tout est ici dans le plus grand engourdissement. Les spectacles sont cessés depuis quinze jours et ne rouvrent que le 21 de ce mois. Rien de nouveau en littérature que ce qu'on attend ou ce qu'on reçoit de Ferney. Vous êtes à la source. J'entretiens toujours un commerce assés éxact avec le seigneur du Lieu, et j'ai eu lieu d'être satisfait de la manière dont il m'a deffendu contre la Canaille littéraire qui voulait absolument que je ne fisse d'autre commerce que de voler des manuscrits et de les vendre, quoiqu'assurément je ne vende jamais que les miens, encore assés mal. Mais ce qui m'a fait grand plaisir c'est que tous les principaux gens de lettres et tous les honnêtes gens qui en sont amateurs ont paru savoir autant de gré que moi à mr de Voltaire de la démarche juste qu'il a faite et des choses obligeantes qu'il y a mêlées. Le prix de l'académie sera bientôt décidé, je ne manquerai pas de vous apprendre si la personne à qui vous vous intéressés a réussi. Le mis de Ximénes a composé.
Oserais je vous prier de me rappeller au souvenir de me de Tournes et de me Tronchin Labat? J'ai diné ici avec le jeune mr Tronchin chés le Comte de Creutz. Il a bien de l'esprit.
J'ai l'honneur d'être avec autant d'attachement que de respect,
Monsieur, vôtre trés humble et trés obéissant serviteur
Delaharpe
Ma femme vous présente ses civilités.