1756-08-08, de François Tronchin à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Monsieur,

N'y a t'il point trop de présomption à moi d'avoir cédé aux obligeantes agaceries de notre ami commun pour tirer l'ouvrage que nous vous envoyons du portefeuille où il étoit condamné depuis plus de 15 ans?
Il ne falloit pas moins que vos judicieuses observations, les conseils et encouragemens de M. de Volte pour rouvrir une veine fermée depuis si longtemps: mais, malgré les changemens assés considérables qu'ils ont produits, je sens que les Comnénes ont encore un besoin essentiel de votre indulgence comme de votre protection.

Je sais que l'amitié a laissé eschapper mon nom à la plume de M. De V. en vous écrivant; mais, loin de lui en savoir mauvais gré, je l'ai remercié de m'avoir autorisé à vous addresser directement les sentimens de la respectueuse estime que je vous avais vouée en secret; persuadé que vous voudrés bien, quel que soit le sort de la Piéce, que l'auteur en demeure ignoré: je le souhaite au point que rien ne l'auroit tirée de l'obscurité si je ne pouvois me le promettre. Je souffre de savoir encore sous vos yeux la précédente si peu digne de vous; Veuillés me la renvoyer; me pardonner le tracas que je vous cause; m'honorer de vos bontés & d'un peu d'estime; j'ose dire que je les mérite par le zêle avec le quel je suis dès longtemps & à toujours

Monsieur

Votre très humble & très Obéissant serviteur

Tronchin Conseiller d'Etat, rue St Antoine