6 fév. [1762],Délices

Mes anges grondeurs doivent àprésent avoir examiné et jugé mon délit.
On a écrit à Gui du Chene qui demeure pourtant au temple du Goust, et on l'a traitté comme si sa demeure était dans la maison de maître Gonin. En effet il avait attrapé la pièce du soufleur moyennant quelques écus, et quelques bouteilles: et encor une fois, je me trompe fort ou ma lettre n'était qu'un compliment.

Ou je me trompe encor, ou Zulime produira peu à le Kain et à m^elle Clairon, et je ne crois pas qu'ils trouvent un libraire qui leur en donne plus de 800^lt attendu que c'est un ouvrage déjà livré à L'impression, et rappetassé au téâtre.

Si M^r Picardin ou Picardet a fait le droit du seigneur ou L'écueil du sage, j'ay fait Cassandre moy, et ce sont cinq tableaux pour le sallon.

Coup de téâtre du mariage	1er tableau
Statira reconue, et reconnaissant sa fille	2e tableau
Le gr. prêtre mettant les holà, Statira levant son voile et pétrifiant Cassandre	3e tableau
Statira mourante, sa fille à ses pieds et Cassandre effaré	4ème tableau
Le Bûcher	5e tableau

Le tout avec des notes instructives au bas des pages, sur les personages, sur les initiez, sur les sacrez mistères, sur la prière d'Orphée, être unique, éternel, sur l'usage où les dames étaient alors de se brûler. Voilà de quoy faire une jolie édition avec estampes.

Mes divins anges doivent se tenir pour dit que je suis tiré au sec, qu'il ne me reste pas une goutte de sang dans la veine poétique, pas un esprit animal.

Pourquoy ne pas donner cinq ou six représentations de Cassandre à la mi carême? et reprendre après pâques? On pourait me rouvrir la veine pendant la quinzaine où le téâtre est fermé. Je laisse le tout à la discrétion de mes anges.

On a commencé L'édition de Pierre, c'est une rude et appesantissante besogne d'être commentateur et éditeur. Cela ne m'arrivera plus.

Vous n'êtes pas assez fâchez de la mort de mon impératrice.

Si j'ay fait une sottise avec Gui Duchene, Dieu fit du repentir la vertu des rimeurs.

Mille tendres respects aux anges.