1er juillet 1768
Mon ancien ami, mon philosophe, mon feseur de beaux vers, je vous remercie tendrement de vôtre Beverlei.
Le solitaire des alpes vous a l'obligation d'avoir été ému pendant une grande heure. Il n'est pas ordinaire d'être touché si longtemps. De l'intérêt, de la vigueur, une foule de beaux vers, voilà vôtre ouvrage. Je n'ai point lu le Béverlei anglais, mais je ferais la gageure imprévue qu'il n'y a que de l'atrocité.
Aureste, j'ai été fort étonné que madame Beverlei ait reçu cent mille écus de Cadix, car pour moi j'y viens d'y perdre vingt mille écus; grâce à Messieurs Gilly, que probablement vous ne connaissez point.
Oui sans doute, multæ sunt mensiones in domo patris nostris, et vous n'êtes pas mal logé. Je voudrais bien savoir ce qu'a dit ce maraut de Fréron qui demeure dans la cave.
Savez vous la petite espèce d'épigramme qu'un Lionais, lequel est bien loin d'être poëte, a faitte comme par inspiration, en feuilletant le Tacite de La Blétrie? Il était en colère de ne pouvoir lire le latin qui est imprimé en pieds de mouche, et de ne lire que trop bien la traduction française; voicy les vers qu'il fit sur le champ,
Cela m'a paru naïf. Cet hipocrite insolent de Lablétrie est berné en province comme à Paris. Que le bon Dieu bénisse ainsi tous les apostats qui sont trop orgueilleux, car celà n'est pas bien d'être fiers.