au Château de Ferney, par Genêve 19e avril 1768
J'ai toujours eu l'honneur, Madame, de vous répondre très exactement quand vous m'avez fait celui de m'écrire de l'abominable châtau que vous habitiez.
Vous voilà maintenant à Hambourg, où vous ne resterez peut être pas longtemps. Quand vous voudrez habiter un châtau où il y a des portes et des fenêtres comme dans celui du Baron de Tonder Thentronck j'en ai un à vôtre service où vous serez la maîtresse absolue, et tant que je vivrai il sera à vôtre service. J'ai couru comme vous le monde, et je me suis enfin très bien trouvé de m'être fixé. Vous ne trouveriez nulle part une plus belle vue, ni des promenades plus agréables, ni plus de liberté; et vous auriez de la société quand vous en voudriez. Mais je crains bien que vous ne regardiez mon château comme un château en Espagne.
Vous avez une héroïne par delà Hambourg en tirant droit vers le nord qui pourait bien avoir la préférence sur moi. Elle étonne l'Europe et ses sujets la bénissent. Mais peut être êtes vous dégoûtée des Impératrices.
Quand vous n'aurez rien à faire souvenez vous d'un ancien ami qui vous sera attaché avec le plus tendre respect jusqu'au dernier moment de sa vie. Je vous promets que quand je mourrai (ce qui arrivera bientôt) je vous donnerais la préférence sur tous les curés et sur tous les prédicants du voisinage.
NB: Je vous avertis, Madame, que le Château de Ferney est pendant l'été un des plus beaux lieux de la nature. Je vous défie d'avoir sur l'Elbe une aussi jolie maison.
Agréez encor une fois mon respect et mes regrets.
V.