1768-03-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher et vertueux ami, en réponse à votre lettre du 12 mars, je vous dirai que ce second chant des amours de Robert Covelle ayant déjà été imprimé et étant connu dans plusieurs journaux, il n'y a d'autre parti à prendre que de le publier moi même et de le rendre si plaisant que personne ne puisse se fâcher.
Quelques gens qui s'y connaissent disent que je n'ai rien fait en ma vie de si gai et de si innocent. On a toujours raison quand on rit et c'est d'ailleurs une bonne réponse à ceux qui m'imputent des ouvrages sérieux que je serais bien fâché d'avoir faits. Je ne connais que Jean Jaques, Freron et Vernet qui puissent se plaindre d'avoir été fouettés un peu trop fort. Cette plaisanterie d'ailleurs m'est nécessaire pour faire diversion à ma douleur d'être séparé de made Denis.

Laissez moi faire, j'ai des idées dont vous ne serez peut-être pas mécontent. J'espère aussi que made Denis sera contente de moi. Elle aura un sort assez doux pendant ma vie et après ma mort. Elle jouit de douze mille livres de rente qui lui appartiennent. J'en ajoute vingt mille pendant le peu de temps que j'ai à vivre. Pour moi il me faut très peu de chose et j'en ai beaucoup au delà de mes besoins.

Pourriez vous avoir la bonté de me faire envoyer par Briasson les livres dont voici la note?

Le 3e tome de l'histoire des Jésuites

Le 4e du Tableau historique de l'Europe par Méhégan

Les commentaires sur les discours de l'abbé Fleuri par Chiniac.

Bonsoir, mon très cher ami; je vous ai envoyé en dernier lieu une lettre pour m. d'Alembert.