à Colmar 13 mars 1754
Je déclare que je suis encore plus mécontent de l'édition de Philibert de Genêve, que je ne l'ai été des autres.
Il annonce dans les Gazettes son édition corrigée et augmentée par moi, et il l'avoit faite sans me consulter. Monsieur de Vernet, Professeur d'Histoire à Genêve, a eu la bonté à la vérité de corriger quelques fautes grossières, à ce qu'il m'a mandé; et j'ai envoïé seulement, il y a huit jours, un petit article concernant L'évaluation des Monnoyes sous Charlemagne, parce que cette erreur pouvait très-aisément avoir échapé à mr Vernet. Je n'ai donc pas la moindre part à cette Edition de Genêve; je désavouë toutes celles qu'on a faites et qu'on fera, je ne me mêle en aucune manière de cet ouvrage. Les errata que j'ai envoïé aux Libraires de Dresde et de la Haye, ne regardent presque que les fautes d'impression. Je ne leur ai rendu ce petit service qu'afin que leur édition fût un peu moins mauvaise; protéstant toujours que personne n'a imprimé mon véritable Manuscrit, et que quiconque se hazardera de l'imprimer sans me consulter, ne poura donner qu'un très mauvais ouvrage que je serai toujours le premier à condamner.
Mr Jean Neaulme peut faire mettre cet article dans tous les Journeaux. Il verra par cette Déclaration que s'il s'était adressé à moi, je lui aurais rendu plus de service que son prétendu galant-homme qui lui a vendu trois cent florins un mauvais Manuscrit, qui ne lui appartenait pas; que je lui aurais donné pour rien de meilleurs Manuscrits qui m'appartiennent et qu'il vaut mieux recevoir mes bienfaits que de faire de mauvais marchés.
Voltaire