[c. 3 February 1759]
Mon très cher professeur vous ne laisserez pas votre ouvrage imparfait.
J'ay enfin lu le grossier et impertinent libelle de Vernet intitulé Réponse d'une société de gens de lettres, libelle dans le quel on me dit que je suis bien heureux de n'être pas né dans le siècle de Servet, etc. Je serai le 22 février en état de faire afficher ma réponse à la porte de sa maison de Chambezi, et de lui parler moy même. Nous verrons si celuy qui a supposé des lettres et un testament de Giannoné pour voler ses manuscrits chez mr Turretin, si celuy dont j'ay les lettres par les quelles il me presse de luy donner mon histoire à imprimer, et l'ôter aux Crammers, si celuy qui . . . etc. osera soutenir ma présence ou celle de mes valets.
Je ne demande que la paix. Je ne demande qu'un mot honnête dans le quel, sans parler de relligion, il désavoue tout ce qu'on peut luy avoir imputé sur mon compte dans les journaux suisses, et dans le libelle intitulé Guerre littéraire. Je ne veux que ce mot qui finira tout. On luy fait dire qu'il n'est point mon vassal, que c'est son frère qui l'est; je veux bien qu'il sache que je suis comte de Tournay par un acte autentique qui va être enregistré au parlement de Dijon, et que la terre apartiendra à mes héritiers dès que l'affaire du dénombrement qui est en bon train sera finie, que celuy qui gère un bien de campagne et qui vend du foin, et qui est chargé de me payer des redevances, est mon vassal.
Mais je ne suis pas assez fat pour insister sur ces titres, je suis assez bon seulement pour vouloir la paix avec un voisin, et pour prévenir dans ce pays un scandale horrible qui arrivera infailliblement. Voylà une maladie qu'il faut que vous guérissiez, en faisant passer la conviction dans l'âme de Mr Saladin, et la honte dans celle de Vernet. Je vous embrasse tendrement.
V.