1766-06-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Je n'entends rien mon cher Caro à ce que l'on dit en énigmes, et je vous prie de vous expliquer clairement.
Je crois mériter votre amitié et votre confiance. Vernet est un malheureux qui attaque dans son libelle la relligion catholique, Louis 14 et vingt particuliers. De quoy s'avise t'il de parler de ma nièce? Je suis en droit de le punir de plus d'une façon, et soyez sûr que je n'y manquerai pas. Je ne vois pas que les médiateurs puissent prendre le parti d'un cuistre qui s'est déclaré agresseur. Je n'aime pas à demander justice, je me la ferai moy même, mais je suis persuadé que je l'obtiendrais si je la demandais.

Je vous demande ou de m'écrire ou de venir me dire ce que vous savez et ce que je dois savoir. Puisque vous avez mis la faucille dans la moisson de Vernet vous devez mettre la sonde dans ses playes, et les doigts sur son nez. Vous pouvez savoir s'il y a quelque tracasserie à prévenir et quelque démarche convenable à faire, et j'attends de votre amitié que vous voudrez bien me mettre au fait.

En écrivant ce billet je reçois l'épreuve de la seconde feuille.

Je la renvoye corrigée.

Prenez tellement vos mesures que rien n'entre à Paris avant la fin de l'assemblée. On ne rendra l'enciclopédie aux souscripteurs que dans ce temps là. Je vous suis très obligé des soins que vous prenez de me procurer le dernier tome de Daubigné.

Tâchez de vous dérober un moment pour venir à Ferney. Le chemin est court.