[c. 10 January 1753]
François de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre de sa majesté très chrétienne, et chambellan du roi de Prusse, a recours très humblement et avec la plus grande confiance à la justice de son altesse royale au sujet de la feuille scandaleuse imprimée chez Pierre Josse, libraire à la Haye, intitulée La Bigarrure du jeudi 4 janvier 1753.
Il est dit dans cette feuille, p. 13, que le sieur de Voltaire friponne quatre ou cinq malheureux libraires à chacun desquels il vend furtivement et séparément le manuscrit du même ouvrage.
Le sieur de Voltaire n'a jamais vendu un seul manuscrit à aucun libraire, ni de Hollande, ni d'Allemagne, et s'il y en a un seul qui puisse montrer le moindre marché qu'il ait jamais fait d'aucun manuscrit, il se tient déshonoré à la face de l'Europe.
Il leur a fait à tous présent de ses ouvrages sans jamais recevoir d'eux la moindre récompense.
Il a fait présent à George Conrad Valther, libraire à Dresde, de la nouvelle édition du siècle de Louis XIV et il a averti publiquement les libraires hollandais qui voudraient ou contrefaire ce livre ou en obtenir le privilège dans leur pays, de se conformer à cette édition de Dresde. Il demande donc justice de cette calomnie flétrissante et atroce, insérée dans la feuille de Pierre Josse du 4 janvier; et cette justice se borne à une rétractation convenable, laquelle il espère que ce libraire sera tenu de faire, et d'insérer dans une de ses feuilles.
Il supplie très humblement son altesse royale de lui pardonner si cette requête n'est pas dressée dans la forme prescrite.
Il la supplie très instamment de daigner la recevoir avec bonté, de commander qu'elle soit communiquée à qui il appartiendra, et de favoriser de sa protection la juste demande qu'il fait avec le plus profond respect à son altesse royale.