1750-09-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

On m'a dit, Monsieur, que l'on avoit publié sous mon nom dans les gazettes, des vers qu'un jeune français a faits ici pour des Dames de Berlin.
Il y a longtems que je suis accoutumé à de pareilles méprises, mais on a publié ces vers comme adressez à son altesse Royale Madame la Princesse Amelie, et cette méprise est trop forte.

Permettez moi de me servir de cette occasion pour faire sentir au public combien on lui en impose en mettant souvent sur mon compte des ouvrages que je n'ai jamais lus. Il n'y a pas jusqu'aux compilateurs hollandais de mes prétenduës oeuvres qui ne les ayent défigurées par les plus absurdes imputations. C'est un inconvénient attaché à la littérature, et tout ce que je peux faire, c'est de me servir des papiers publics et surtout des Gazettes sages et autorisées pour réclamer contre un abus dont tous les honnêtes gens se plaignent et qui demande d'être réprimé par les Magistrats.

Vous me ferez baucoup de plaisir de rendre ma lettre publique. Je suis parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire ancien gentilho ord. du roy très crétien, et chambellan du Roy de Prusse