17e 8bre 1774, à Ferney
Quoi qu'il y ait, Monseigneur, un paquet de moi à la poste ce matin Lundy 17e 8bre j'ai encor le temps de répondre à la Lettre du 12 dont vous m'honorez.
Je ne puis cesser de vous dire que vous faittes très bien, et qu'il vous est très important de mettre au jour par la voie de la justice l'affaire odieuse et absurde qui vous est suscitée par la friponnerie la plus grossière. Vous avez des ennemis secrets dans Paris qui parlent beaucoup plus hautement que dans des caffés, qui parleront et qui écriront jusqu'à ce qu'une sentence leur impose le silence qu'ils auraient dû garder.
Je n'ai jamais sçu qui m'avait envoié le mémoire de Made de st Vincent. Ce mémoire est manuscrit et n'est signé de personne, ainsi je ne puis le regarder que comme un libelle. Il y a de la rage à prendre le parti d'une femme si criminelle, et qui est absolument abandonnée de toute sa famille en Provence. Certainement cette affaire ne peut vous être désagréable qu'autant qu'elle vous dérobe un tems précieux.
Mr L'abbé De Voisenon a été instruit, ce qu'on m'assure, que c'est Mr L'abbé Du Vernet qui est l'auteur de La Lettre du théologien. Cet abbé qui demeure à la barrière nôtre Dame des champs est ami de quelques uns de vos confrères à l'académie. Il a, dit-on, beaucoup d'esprit. Ce n'est pas lui qui a fait les articles concernant la géométrie qu'il n'a jamais étudiée. Il s'est trompé sur plusieurs choses plus importantes; mais ces choses importantes pour quelques personnes doivent être bien indifférentes pour vous.
Je souhaitte passionément que vous alliez à Fontainebleau, tandis que je serai dans mon lit et que je ne verrai que des neiges par ma fenêtre. Je réchauferai ma mourante machine en pensant à vous, et en vous souhaitant une vie aussi longue qu'elle a été agréable et glorieuse.
V.