1768-03-23, de Sébastien Dupont à Marie Louise Denis.

Je vous envoie, Madame, Les titres qui vous concerneront un jour: je souhaitte comme vous que ce jour Soit éloigné: mon Cœur est attaché sans partage et à toutte éternité au Donateur et à la Donataire: les événemens si j'existe ne me causeront que des Douleurs et des régrets sincères, quels qu'ils puissent être: c'est l'expression de mon âme: vous la connoissez.

J'ai eû, j'ai, et j'aurai de l'Inquiétude de vous Sçavoir à Paris, de vous y sçavoir séparée de cet oncle immortel que vous n'avez pas quitté Sans raison: vous me dittes que vous vous êtes Séparés sans altercation sérieuse: une Sépara͞on m'étonne: sérieuse oû feinte: vous étiez faits pour vivre Ensemble.

Autre étonnement; c'est la Vente de Ferney: est-ce politique? est-ce réalité? Je ne suis pas Œdipe, ni ne veux l'être. Son sort n'est pas à ambitionner.

Je ne donne pas de Conseil aux sages co͞e vous. J'aurai toujours recours aux leurs dans mes besoins, mais je pense que vous ferez bien d'envoïer à Mr vôtre oncle vôtre Procura͞on pour vendre un bien qu'il vous a donné.

Je vous Proteste que j'ai ignoré jusqu'au moment de l'arrivée de vôtre aimable lettre ce qui s'est passé entre Monsieur de Voltaire et vous: il ne m'en a rien écrit: je ne lui en écrirai rien. Soÿez sûre, Madame, de ma discrétion.

Vos offres de service sont les fruits de vôtre belle âme. Elle ne peut en produire d'autres. La plus grande grâce oû j'aspire, c'est au bonheur de vous plaire: au plaisir pur d'être certain que vous en êtes convaincue, et au charme intérieur de sçavoir aussi que vous sçavez que c'est sans intérêst sordide:

Ce vil nom n'appartient pas sans doutte à la tendresse paternelle: et c'est en cela seul que j'accepte Madame, vos offres de service: