1755-01-06, de Sébastien Dupont à Voltaire [François Marie Arouet].

Je reçois à ce moment, Mon Cher Protecteur, vôtre lettre dattée du 3e par laquelle Vous m'annoncez que vous avez travaillé pour ma prévôté: je ne doutte plus du succéz, déz que je vois que vous vous ÿ intéresséz.
Si je me trompe à cet égard, au moins ne me trompé-je pas sur vos sentimens envers moi: la joïe, que j'en ressens, vaut mieux que touttes les prévôtés du monde: vous me dittes que vous n'étes pas heureux en intercession. Qui méritte cependant plus de l'être que celui qui fait et qui voudroit faire des heureux? Madame Denys est bien digne de vous, elle s'intéresse pour moi sans que je l'en aïe prié: ce généreux procédé pénètre mon cœur de la plus vive reconnoissance: succéz oû non, je n'oublierai ce service de ma vie: pourquoi me dittes vous que vous avez fait vôtre devoir en vous emploïant pour moi? Souffrez que je vous querelle sur ce terme. Le mot de devoir ne doit être connû que de moi, de méme que ceux D'amour et de Vénération: vous ne devez vous servir que de ceux de bienfaisance et d'humanité. Voilà ceux que je revendique et qui conviennent à vos actions. Mr de Mon Conseil s'intéresse pour un platoquet qui n'a que des Cornes et pas un brin de sens commun: c'est un asséz bon titre pour réüssir, je le sçais parce que je le vois: cela étant il n'est pas prudent que je m'ouvre à lui: il n'ÿ a rien à craindre du côté des lettres de compatibilité de la part du procureur général. Cela est impossible et il n'ÿ songe pas: je vous accable de lettres, je suis importun, je finirai donc en vous priant de ne pas attendre que je sois Prévôt pour revenir voir un homme qui vous adore.