à Prangin pays de Vaud près de Nyon 7 Janvier 1755
Sur vôtre lettre du 31 xbre mon cher ami, j'écris à Mr de La Marche une lettre à fendre les cœurs; j'importunerai encor Mr d'Argenson: j'écrirais au confesseur du Roy, et au diable, s'il le fallait, pour votre Prévôté; et si j'étais à Versailles, je vous réponds qu'à force de crier, je ferais votre affaire.
Mais je suis à Prangin vis-à-vis Ripaille, et j'ai bien peur que des prières du Lac de Genêve ne soïent point exaucées sur les bords de la Seine. Je vous aimerais mieux Baillif de Lausanne que Prévôt de Munster: tâchez de vous faire huguenot; vous serez magistrat dans le bon pays roman. Je tremble que les places de l'Alsace ne dépendent des Dames de Paris, et que deux-cent Louis ne l'emportent sur le zèle le plus vif, et sur la plus tendre amitié. Je ne vous écris point de ma main, parce que je souffre presqu'autant que vos juifs: il est vrai que j'ai la consolation de n'avoir point de Père Crousteà mes oreilles: j'ai les Mandrinsà ma porte; j'aime encor mieux un Mandrin qu'un Crouste. Adieu, si vous étes Prévôt, je serai le plus heureux des hommes.
Mille tendres respects à me du Pont.
V.
Que devient la douairière Goll?
Je vous prie de vouloir bien envoïer chercher mr de Turckeim, de le remercier de ma part, et de lui demander ce qu'il lui faut pour ses déboursés et pour ses peines, moyennant quoi je lui enverrai un mandement sur son frère. Pardon.
V.