au château de Prangin 7 janvier 1755 près de Nyon, pays de Vaud
Votre prose, Monsieur, est aussi obligeante que vos vers sont agréables.
On ne peut être plus sensible que nous le sommes, ma nièce et moi, à vos bontés. Vous avez été témoin à Colmar et à Plombières du cruel état de ma santé; elle est devenue encore plus mauvaise. Tous les médecins de Lyon m'avoient conseillé les bains d'Aix en Savoye; mais les médecins de Genêve ont voulu absolument que j'attendisse une saison plus favorable. Je ne connois qu'une belle saison, monsieur, ce seroit celle qui me rapprocheroit de vous et de Monsieur de la Marche. Je passerai cet hyver avec ma garde malade dans un très magnifique château vis à vis Ripaille; nous sommes bien loin de faire Ripaille, et encore plus loin de la papauté qu'attrapa le Duc hermite Amédée. Je suis condamné à la solitude et au régime par des maux intolérables qui m'empêchent de vous écrire de ma main. Conservez moi votre amitié et recevez les tendres sentiments de la reconnoissance et de l'attachement avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire