1768-02-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Daniel Marc Antoine Chardon.

Je vous l'avais bien dit, Monsieur, que vous vous couvririez de gloire, et que vôtre nom serait béni par quatre cent mille personnes.
Daignez au milieu des éloges qu'on vous doit, agréer mes remerciements.

J'ai l'honneur, Monsieur, de vous envoier un petit écrit qui m'est tombé entre les mains. C'est une espèce de réponse à ceux qui par passe temps se sont mis à gouverner l'état depuis quelques années. Je n'ose le présenter à Mr Le Duc De Choiseul. Cela est hérissé de calculs qui réjouïraient peu une tête toute farcie d'escadrons et de bataillons, et des intérêts de tous les princes de l'Europe. Cependant, Monsieur, si vous jugiez qu'il y eût dans cette rapsodie, quelque plaisanterie bonne ou mauvaise qui pût le faire digérer guaiement après ses tristes diners, je hazarderais de mettre à ses pieds, comme aux vôtres, l'homme aux quarante écus.

Quant aux ragoûts un peu plus salés je ne manquerai pas de vous les faire tenir entre deux plats. Ils sont tous de la nouvelle cuisine, la sauce est courte, et celà peut s'envoier plus aisément qu'un pâté de Périgueux.

J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect, et avec autant d'attachement que d'estime, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire