1768-01-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Eugene von Württemberg, duke of Württemberg.

Monseigneur,

Je suis obligé d'informer vôtre Al[t]esse sérénissime, que le genevois qui avait offert de vous prêter soixante mille Livres, et qui même aurait été jusqu'à six vingt mille, voiant que je n'avais aucune réponse de vous, est venu ce matin retirer sa parole, et m'avertir qu'il a disposé de ses fonds d'une manière avantageuse, attendu que les dissentions de Geneve sont prêtes de finir par un accommodement.

Je perds la seule ressource que j'avais dans cet homme. Il m'aurait aidé dans mes besoins pressants si j'avais pu lui montrer une délégation sur vos fermiers. Je supose que la rigueur de la saison n'a pas permis à vôtre chambre de Montbelliard de me rendre cette justice qu'elle m'avait promise; mais j'espère toujours en vôtre bonté et en vôtre équité. Je suis sûr que vous ne laisserez pas languir dans l'indigence un vieillard de soixante et quatorze ans accablé de maladies, qui a mis entre vos mains toute sa fortune, et qui n'a que peu de mois à jouïr d'une pension alimentaire. Je compte, Monseigneur, sur la générosité de vôtre âme, et je mourrai avec les sentiments de l'attachement et du profond respect avec les quels j'ai l'honneur d'être

Monseigneur

De Vôtre Altesse sérénissime

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire