1767-11-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Conseil de régence de Montbéliard.

Messieurs

Je reçois la Lettre dont vous m'honorez du 21e 9bre.
Vous me dites que Mr Jeanmaire me destine dix mille francs. Ce n'est pas assez que cette somme me soit destinée, elle aurait dû être païée. Il doit ajouter à ces dix mille Livres, deux mille sept cent Livres que Mgr Le Duc De Virtemberg avait ordonné qu'on me paiât.

Plus neuf cent Livres que j'ai déboursées pour assurer mes droits contre mes cocréanciers.

Plus deux mille livres que j'avais demandé pour acquitter des dettes pressantes. Le tout se monte à quinze mille six cent Livres, pour article préliminaire.

Je demande quinze autres mille Livres à la fin du mois de Janvier prochain.

J'insiste pour tout le reste sur des délégations irrévocables, tant pour moi que pour mes neveux et nièces, lesquels ont des rentes viagères après moi sur les terres de Montbelliard, en vertu des contracts passés à Colmar entre Mgr Le Duc De Virtemberg et moi.

J'ai écrit en conformité à mon avocat à Bezançon, qui a dû faire ces propositions aux vôtres.

J'écris aussi à S: A: S: Je vous prie d'observer, Messieurs, que les marchands de Lyon ne doivent point passer avant moi; que Mr Turckeim n'a eu aucun droit de s'emparer de la terre d'Hosteim qui m'est hipotéquée dès l'année 1753; Que Mr Dietrich a encor moins de droit de m'être préféré pour les cent cinquante mille mille Livres qu'il a prétées depuis la date de mes hipotèques; et que je suis incontestablement le premier créancier.

Vous savez combien les rentes viagères sont privilégiées. Un homme de soixante et quinze ans est excusable d'éxiger la pension alimentaire qu'il s'est conservée. Je ne puis attendre vôtre réponse que quinze jours. La situation cruelle où je suis ne me permet pas un plus long délai.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Messieurs

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire