1767-12-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Conseil de régence de Montbéliard.

Messieurs,

Je dois d'abord vous dire que Mr Jeanmaire vient de m'envoier huit mille 400 livres en lettres de change paiables dans trois mois, aulieu de douze mille livres comptant.
Mais je n'en persiste pas moins dans l'esprit de conciliation que je vous ai toujours marqué, et dans les arrangements que vous avez acceptés.

En pressant l'éxécution de ces arrangements, je songe à vous épargner des frais inutiles, et à vous donner toutes les facilités que vous pouvez désirer. Il est de règle qu'on fasse signifier aux fermiers ou régisseurs, les contracts en vertu desquels on établit des délégations sur eux. Ces contracts en franche Comté doivent être controllés par les receveurs des domaines du Roi, et ces controlles sont fort chers. Le contract de deux cent mille Livres que j'ai été obligé de faire controller en franche Comté pour soutenir mes droits contre les co-créanciers, a coûté trente trois Louïs d'or avec les autres frais. Plus, il y a trois Louis d'or pour l'insinuation à Gex.

Ainsi, Messieurs, vous n'aurez plus rien à dépenser en fesant signifier ce contract de deux cent mille livres à vos fermiers des terres de Montbelliard situées en franche Comté. Vous pourez seulement faire mettre sur la copie du contract signifiée, Que les droits ont été acquités au domaine du Roi. Voilà pour ce qui regarde cette province.

Quant aux délégations sur les terres d'Alzace, c'est autre chose. Les droits de controlle n'y sont pas établis; et il ne vous en coûtera que les petits frais qu'il m'a fallu faire contre les marchands de Lyon qui avaient saisi sur Richwir, le tout se montera à 900 £.

Je dois vous informer, Messieurs, que dès que j'aurai mes délégations en bonne forme, acceptées par les fermiers et régisseurs, et quand je serai assuré qu'ils ne pouront paier désormais à d'autres qu'à moi, je trouverai sur le champ de l'argent à Genêve, nonseulement pour mes besoins pressants, mais pour le service de Mgr le Duc De Virtemberg, dont je serai la caution: les genevois ne voulant point se commettre à traitter avec un prince Souverain, et voulant toujours avoir leur recours sur des particuliers.

J'ai eu l'honneur de mander à S. A. S. que je trouvais un genevois tout pr êt à lui prêter soixante mille livres pour un an à cinq pour cent, sur son billet à ordre. S'il veut en donner quelque chose pour libérer ses terres de Montbelliar d il est le maître.

Jugez de mes procédés, Messieurs, je les soumets à vos lumières et à votr e équité.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Messieurs

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire