27e 8bre 1767, à Ferney
Mon cher ami, je vous écris à tout hazard, ne sachant où vous êtes, et je prie Mr Le Riche de vous faire tenir ma Lettre.
J'ai écrit à mr Jeanmaire, receveur de Mr Le Duc De Virtemberg; je lui ai mandé que la nécessité de soutenir mes droits, et ceux de ma famille contre les créanciers du prince m'obligent de mettre les affaires en règle; que vous êtes chargé de ma procuration; que vous devez être incessamment dans le bailliage de Beaume, et qu'il est de l'intérêt du prince que la chambre de Montbelliard prenne sans délai des arrangements avec vous pour prévenir des frais ultérieurs; qu'il n'y a qu'à me déléguer mes rentes et celles de ma famille, sur des fermiers solvables et sur des régisseurs, en stipulant que leurs successeurs seront tenus aux mêmes conditions, quand même ces conditions ne seraient pas exprimées dans les contracts que la chambre de Montbelliard ferait un jour avec eux.
Si la chambre de Montbelliard a une envie sincère de terminer cette affaire, elle le poura très aisément; et il sera nécessaire que mr Le Duc De Virtemberg ratifie ces conventions.
Si les terres de Franche Comté étaient tellement chargées qu'elles ne pussent suffire à mon paiement, il faudrait faire déléguer le surplus sur les terres de Richwir et d'Horbourg situées près de Colmar. Mais dans toutes ces délégations il faut stipuler que les fermiers ou régisseurs seront tenus de me faire tenir ces revenus dans mon domicile sans aucun frais, selon mes conventions avec mr Jeanmaire bien entendu surtout que l'on comprendra dans la dette tous les frais que l'on aura faits tant pour la procédure que pour les controlles et insinuations que pour le paiement de vôtre voiage.
S'il est impossible d'entrer dans cet accommodement raisonnable, vous ferez saisir toutes les terres dépendantes de Montbelliard en Franche Comté; après quoi je vous prierai d'envoier le contract de deux cent mille Livres par la poste à Mr Du Pont, avocat au conseil souverain de Colmar, à Colmar, avec la précaution de faire charger le paquet à la poste.
Mr Le Riche m'écrit d'Orgelet, qu'il faut faire insinuer mon contract de deux cent mille Livres, parce que dit-il, on pourait un jour prétendre que j'aurais seulement placé sur la tête de ma nièce, sans que ce soit à son profit. Je ne conçois point du tout cette difficulté, puisqu'il est stipulé dans le contract que ma nièce ne jouïra qu'après ma mort. Certainement cette jouïssance exprimée, est au profit de made Denis, mais il ne faut négliger aucune précaution, et je paierai tout ce que Mr Le Riche jugera convenable.
Aureste, je me reporte de toute cette affaire entièrement à vous, mais je crois qu'il ne faut pas se presser de faire l'insinuation si la chambre des finances se prête à un prompt accommodement.
Mandez moi, je vous prie, ce que vous pensez de tout cela, et ce que vous aurez fait. Adieu, mon cher ami, on ne peut vous être plus tendrement attaché que je le suis.
V.