1767-10-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

Mon cher ami, je reçois vôtre Lettre, et celle du procureur que vous avez choisi.
Je vous demande en grâce d'éxiger de lui qu'il fasse sur le champ une oposition entre les mains des régisseurs de Richwir, et des fermiers du Martinet. Il est éssentiel que mes démarches soient faittes en même temps en Alzace et en franche Comté. Je crois qu'on peut toujours faire une oposition sans avoir la grosse en main, sauf à la produire ensuitte. Tout mon but est de forcer Mr Le Duc De Virtemberg de mettre de l'ordre dans ses affaires, à ne se pas ruiner, et à ne pas ruiner ses créanciers. Quand il verra qu'on fait des saisies en France tandis que la commission Impériale lui impose des loix en Souabe il faudra bien qu'il prenne un parti raisonnable dans la crainte de se voir en tutelle. Il aurait même la douleur de ne pouvoir s'oposer à la vente de ses terres s'il ne prenait incessamment une résolution digne de son rang. Il est fort mal à Mr Jeanmaire de ne m'avoir point averti du désordre des affaires, et de m'avoir toujours donné des paroles qu'il savait bien ne pouvoir tenir. Il m'a envoié en dernier lieu quatre mille cinq cent livres, au lieu de soixante et deux qu'il m'avait promises. Ce n'est pas sa fauteb assurément si je ne suis pas paié, mais c'est sa faute de promettre ce qu'il ne peut éxécuter. Mr De Montmartin a été plus sincère que lui. En un mot, mon cher ami, je compte sur vous comme sur ma seule ressource. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

Voltaire

Je vous prie de me mander à quoi se monte la créance du Baron banquier Dietrich, et celles des marchands de Lyon qui ont fourni de belles étoffes à des filles.