1767-10-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

Depuis ma dernière Lettre, mon cher ami, j'ai reçu de nouveaux éclaircissements touchant les terres dépendantes du comté de Montbelliard, situées en France.
Les tristes connaissances que j'ai acquises me mettent dans la nécessité indispensable d'assurer mes droits et mon revenu par des actes juridiques. J'ai besoin même de la plus grande célérité. Je suis comptable à ma famille de ce bien qui est prèsque la seule chose qui me reste. Je vous prie donc de faire agir sans délai mon fondé de procuration, de m'envoier son nom, et d'avoir l'œil sur lui.

Je vous prie aussi très instamment de me faire avoir une copie autentique des anciens actes de Mr Le Duc De Virtemberg, énoncés dans les contracts que vous avez passés en mon nom. Ces anciens actes sans doute, doivent tenir lieu de contracts, et vous n'aurez pas manqué de les faire homologuer au conseil d'Alzace. Je m'en raporte à vous pour assurer mes droits et ceux de ma famille.

Je vous demande en grâce d'envoier la copie de ces contracts bien conditionnés à l'adresse de mr D'Amilaville, premier commis des bureaux du vingtième, Quai st Bernard à Paris, avec une double envelope, l'une à moi, l'autre à lui.

En même temps, aiez la bonté de m'écrire ce que vous aurez fait. Vous m'avez mandé que vous aviez bien voulu soliciter en ma faveur la chambre des finances de Montbelliard, mais sachez que cette chambre des finances, est la chambre de la confusion et de la pauvreté. Mr De Montmartin m'a fait cet aveu; c'est un naufrage, il me faut une planche pour me sauver, et je ne puis trouver ma sûreté que par la voie de la justice. Je ne prétends point en celà manquer de respect à Mr Le Duc De Virtemberg, je ne m'attaque qu'à ses fermiers et à ses régisseurs; on plaide tous les jours en France contre le roi. Je ne dois point trahir les intérêts de ma famille par une vaine considération. En un mot je vous prie d'agir sans délai. Made Denis joint ses remerciements aux miens. Je vous embrasse bien tendrement, et je fais mes compliments à toute vôtre famille.

V.