16 8bre 1767
Je recois, mon cher ami, votre lettre du 10 avec un exemplaire de Charlot auquel il manque la feuille D.
Je vous prie de me suppléer cette feuille D, et d'y ajouter encore la faveur d'un autre exemplaire. Vous avez sans doute fait à ma nièce Florian, l'amitié de lui faire tenir cette bagatelle en Champagne où la scène s'est passée.
Je n'ai encore rien écrit sur mon cher Henri 4 mais j'ai tout dans ma tête; et s'il arrivait que la mémoire de ce grand homme fût assez chère aux Français pour qu'ils pardonnassent aux fautes de ce petit ouvrage; si malgré les cris des Fréron et des autres Welches, il s'en faisait une autre édition après celle de Geneve et de Merlin ce dont je doute fort, alors je vous enverrais une petite diatribe sur Henri 4; vous n'auriez qu'à parler.
J'ai lu une grande partie de l'ordre essentiel des sociétés; cette essence m'a porté quelquefois à la tête et m'a mis de mauvaise humeur. Il est bien certain que la terre paye tout; quel homme n'est pas convaincu de cette vérité? Mais qu'un seul homme soit le propriétaire de toutes les terres, c'est une idée monstrueuse, et ce n'est pas la seule de cette espèce dans ce livre qui d'ailleurs est profond, méthodique, et d'une sécheresse désagréable. On peut profiter de ce qu'il y a de bon, et laisser là le mauvais. C'est ainsi que j'en use avec tous les livres.
J'ai été bien étonné en lisant l'article Ligature dans le dictionaire encyclopédique de voir que l'auteur croit aux sortilèges. Comment a-t-on laissé entrer ce fanatique dans le temple de la vérité? Il y a trop d'articles défectueux dans ce grand ouvrage et je commence à croire qu'il ne sera jamais réimprimé. Il y a d'excellents articles mais en vérité il y a trop de pauvretés.
Portez vous mieux que moi, mon cher ami. Mon esprit est encore quelquefois un peu prompt, mais la chair est faible, et je dégringole furieusement. Je vous aimerai jusqu'à mon dernier soupir autant que je détesterai les fanatiques et les persécuteurs.