1767-09-04, de Louis Antoine de Gontaut Biron, duc de Lauzun à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai reçu, monsieur, les deux lettres que vous m'avez écrites le 20 juillet et le 18 août au sujet du nommé Desrivieres soldat dans le régiment des gardes françaises.
Mon premier mouvement comme vous ne devez pas en douter a été d'y répondre sur le champ. Mais par réflexion, ayant reçu, moi même le livre, j'ai voulu être certain que cette brochure était de lui. J'ai voulu aussi m'informer de ses mœurs, de sa conduite et de ses talents. L'examen que j'ai fait sur toutes ces différentes parties m'a déterminé à le faire sergent, et je voulais par ma réponse vous apprendre que je viens de le faire recevoir. C'est un homme très modeste et fort désintéressé, et l'approbation que vous lui avez donnée l'a fort flatté et ne lui donne que l'ambition de faire encore mieux.

Je vois avec bien de la reconnaissance que vous saisissez toujours tout ce qui se présente pour dire de moi les choses les plus flatteuses. Je sais le cas que je dois faire de votre estime et vous connaissez depuis longtemps tous mes sentiments pour vous. J'ai admiré avec l'univers les choses sublimes et rares dont nous jouissons tous les jours et qui feront l'agrément de ce qui viendra après nous.

J'ai l'honneur d'être très parfaitement

monsieur

votre &a

P. S. Le sr Desrivieres aujourd'hui sergent dans le régiment des gardes françaises où il est depuis peu d'années, y est entré sans prendre d'engagement. Dans l'impression de son livre il s'était seulement réservé 50 exemplaires, dont il m'en a donné un et le reste à beaucoup d'officiers. Il n'a pas été possible à personne de lui faire recevoir d'argent. Aussi ne profitera-t-il pas du billet que vous aviez joint à votre lettre et que je vous renvoie.