26 Octb 1769, à Paris
Votre dernière lettre, mon tendre et bienfaisant ami, étoit du 9 d'auguste.
Je vous répondis le 13, et je vous envoyai beaucoup de choses intéressantes. J'en fis faire le paquet devant moi dans le bureau de M. de Villeneuve chès M. Dormesson. J'insiste sur ces détails, parce que je crains que vous ne l'aiés pas reçu.
Je tombai alors dans une hydropisie dont je ne suis quitte que depuis quelques jours. Les accès de mon asthme en sont un peu soulagés, c'est tout ce que j'y ai gagné.
Je vous ai envoyé la semaine dernière par les guimbardes les Mémoires en deux Vol. sur l'histoire de France que vous m'aviés demandé, une brochure in 4. d'un avis au Public par M. Paulet sur l'Extirpation de la petite Vérole, deux Mémoires que M. Linguet m'a aussi remis pour vous en m'enjoignant de vous avertir de ne lire que le second et de vous dire qu'il ne s'en est chargé que pour relever les droits des gens de Lettres contre les Libraires. Il y a aussi un Vol. du Soldat des Rivières maintenant Sergent aux Gardes. Quelques brochures fera le reste du paquet.
Vous recevrés la Lettre de M. Paulet avec celle de Desrivieres presqu'en même temps que celle cy.
M. Diderot qui depuis plus de trente ans a toujours cherché à me convaincre de son amitié, chargé des succès de son Père de famille, m'est venu voir et veut que la Dépositaire soit représentée. Il s'en est chargé auprès des comédiens, et il m'a fait dire qu'il se flattoit de réussir dans sa poursuite. Je l'ai voulu intéresser dans cette affaire, et il ne m'a jamais été possible de le gagner. Vous serés informé des suites.
Voici une Automne qui ressemble à de foibles hyvers, aussi je ne sors point de chés moi. J'ai bien besoin de quelque consolation pour y être agréablemt, aussi je vous demande très instamment mon Cher et bienfaisant ami, dans la première lettre que vous m'écrirés de virer une lettre de change sur la Combe, Pankouke ou Merlin, pour que l'un deux me remette un exemplre des cinq derniers vol. des Mélanges. Ce me sera une bonne pâture et de quoi charmer mon loisir pendt ces tristes et longues soirées.
M. Guichard, auteur de l'épigrame de la souris qui rongeoit vos ouvrages plustôt que les feuilles de Freron, de celle sur le Déserteur, et de plusieurs autres vient de faire ce Distique pour mettre sous le portrait de la Fontaine.
Madame la comtesse Dubaris a chanté un très joli couplet dans un souper de Fontainebleau.
Le bonfaiseur à qui elle s'est adressée est notre ami Bernard. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Thierot