Mardi 6 Juillet 1756 à Paris
Un galant homme qui va faire un long voyage m'a laissé un exemplaire de vos 10 Vol. pour en faire usage pendt son absence.
Je lui ai souhaité autant de bonheur qu'il va me donner de plaisir.
Les libraires de Paris avoient intenté un procès aux Consuls contre la Beaumelle. Ils avoient acheté de lui les Let. de Made de Maintenon en 2 Vol. tels qu'ils ont paru. Il s'étoit engagé de leur en fournir deux autres Vol. Il avoit reçu un à compte de 4000lt sur cet engagement dont je ne sais pas toute la teneur. Il a été condamné samedi aux Consuls à vingt Mil Livres envers les Libraires. Sa seconde Edition n'est pas encor à Paris. Elle seroit déjà vendue quoiqu'on convienne généralemtà présent que son Livre est détestable et que l'auteur est un coquin.
J'ai distribué les trois recueils de vos beaux sermons aux Docteurs Diderot, Dalambert et Rousseau. C'est M. Duclos lui même qui m'a demandé en grâce de les remettre à Rousseau afin d'en prendre connoissance par bonne fortune en passant. Jamais aucun de vos ouvrages n'a eu un si brillant succès que ces deux beaux Poèmes que je ne me lasse point de lire et d'admirer.
On nous fait espérer incessament de très curieux et très agréables Mémoires de l'abé de Cosnac dont on a veu autrefois des fragmens tronqués qui avoient fait beaucoup de plaisir.
M. le Présidt de l'Académie de Berlin est à Paris, il a loüé une Maison à St Germain pour y passer l'été. On parle à ce sujet des offres qu'on vous fait à Berlin de Pensions, d'honeurs et de toute sorte d'agréments, mais j'ai leu déjà certains Vers qui me rassurent dans votre 5. discours Moral si je ne me trompe.
Voici l'abé de Bernis conser d'Etat. On parle de le fe entrer au conseil à la place de M. de Puisi qui en sort. Cela est d'autant plus vraisemblable qu'on cherche depuis longtems un prétexte pour ql n'aille point en Espagne. On ne peut pas être dans une plus grande faveur. Vous diriés comme la vieille Maréchale de Noailles au Cardl de Fleury, qui l'entera? Comment se porte Madame Fontaine? Je suis inquiet de sa santé. Je vois avec plaisir que M. Tronchin vous revient à tous. Je ne doute point de la vie délicieuse que je passerois avec vous et avec une aussi bonne compagnie que celle qui vous entoure. Je n'abandone point du tout mon projet d'y aller faire un tour, et les facilités que vous m'ouvrés ne font qu'irriter de plus en plus mes désirs. Je cherche en vérité à me débarasser de quelques affaires où mes intérêts sont accrochés, et je ne suis pas encor en état de les sacrifier; je suis d'ailleurs très convaincu que je ne vous serois d'aucune utilité. Je compte voir incessamt Mr de Gauffecourt que je découvris hier sur le chemin de Versailles et qui me parlera sans doute des Délices et de son illustre Possesseur qui en éternisera le nom.
Vous savés que Diagoras Du Marsais est mort d'une façon fort tranquile en se soumettant au culte sans le croire davantage que Boindin, qui ne sera jamais un modèle. Il avoit 85 ans et La Serré92. Son ami Rou[sseau] avoit fait son portrait que vous ne savés peut-être point.
Une des plus aimables Princesses du Monde par l'Esprit et le caractère me dit tous les jours une infinité de choses agréables pour Mad. Fontaines et pour Vous. Vale.
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