1775-07-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Madame,

Je suis bien plus téméraire que je ne croiais avec la bienfaitrice de cinquante ou soixante provinces, victorieuse des Moustapha.
Elle pardonnera mon impertinence quand elle verra de quoi il s'agit.

Marc Lefort, petit neveu de ce François Lefort qui rendit quelques services assez importans à la Russie, sous les yeux de L'Empereur Pierre Le grand, représente à L'Impératrice Catherine seconde la très grande qu'il peut la servir dans le commerce de sa nation à Marseille. Il a séjourné plus de vingt ans dans ce port, et y a été très utile à tous les négociants du levant.

Si l'intention de Sa Majesté Impériale est que les Russes aient un traitté de commerce avec la France, et particulièrement vers la Méditerranée, Marc Lefort lui offre ses très humbles services.

Il dit que les vaisseaux Russes peuvent aporter à Marseille avec un grand avantage, chanvre, fer, bois, potasse, huile de baleine, et raporter toutes les denrées de Provence.

Il dit que les Suedois et les Danois font ce commerce, et ont des Consuls à Marseilles; ces consuls sont genevois.

Le petit neveu du général Lefort serait un très digne Consul de Sa Majesté Impériale.

Voilà donc, Madame, en très peu de tems, un Vice Consul, et un Consul que je mets à vos pieds. Cette proposition a je ne sais quel air de L'Empire Romain, mais dans le fond de mon cœur je donne la préférence à L'Empire Russe.

J'ignore absolument en quels termes est actuellement vôtre Empire avec le petit païs des Welches qui prétendent toujours être français. Pour moi j'ai l'honneur d'être un vieux Suisse que vous avez naturalisé vôtre sujet. Marc Lefort est un meilleur sujet que moi. Nous attendons vos ordres. Le vieux malade de Ferney se met aux pieds de Vôtre Majesté Impériale; il mourra en invoquant vôtre nom.